lundi 4 mars 2013

Au nom de la démocratie sociale 100 députés socialistes, dont deux députés de l'Hérault, veulent tuer la démocratie sociale et le code du travail...

C'est le paradoxe de leur position (tribune publiée dans le JDD)... Cette accord est dangereux tant sur le plan juridique (voir les deux articles reprenant les communiqués de presse du syndicat de la Magistrature et du syndicat des avocats de France) que social. Mais le pire, c'est que c'est un accord signé à la hâte car une nouvelle loi devant entrer en vigueur prochainement fera qu'un accord sera valable que si il est signé par des organisations représentant une majorité de salariés... Ce qui est loin d'être le cas de cet accord...

L'accord signé par des syndicats minoritaires casse une grande partie du code du travail. Le parlement n'est donc pas tenu, bien au contraire, de ratifier cet accord tel qu'il est. Alors que ce gouvernement prétend lutter contre le chômage, en faciliter les modalités ne peut qu’accélérer la montée de celui-ci. Il est donc urgent de se mobiliser pour que le parlement vote une loi d'une tout autre orientation : garantissant les droits des salariés avec les premiers jalons d'une sécurisation de l'emploi et de la formation.
L'expérience le montre, y compris dans ce qui sert de prétendus modèles : la mise en place de la « flexisécurité » dans ces pays s'est traduit par une hausse du taux de chômage de : 3 à 7,8 % au Danemark, 7,9 % en Finlande, 8,1 % en Suède soit une augmentation moyenne de 3 à 8 % Il ne s'agit pas d'un accort « donnant donnant ». Selon la recette du pâté d’alouette : une alouette pour les salariés, un cheval pour le patronat,
c'est le Medef qui sort grand gagnant. Il s'agit d'un Accord National Interprofessionnel dont la principale caractéristique est de rendre beaucoup plus faciles les licenciements et plus difficiles les recours des salariés et de leurs syndicats face aux licenciements. Mais s’y ajoute une dizaine d’attaques théoriques (contre la procédure, contre le contrat individuel), dangereuses ( le CDI intermittent, contre les prud’hommes, la mobilité interne..) ou mesquines (blocage des dommages et intérêts aux prud’hommes, prescription des heurs supplémentaires après 3 ans..) Tout ce qu’il y a dans l’accord va contre les salariés et pour les employeurs.

Quel est le contenu de cet accord ?

1) L es CDD.(art 4 -11) Ce point était le point prétexte à signature (ou non) pour la CFDT. Les CDD seront « sur cotisés » :
• 7 % pour les CDD < 1 mois.
• 5,5 % pour les CDD entre 1 et 3 mois.
• 4,5 % pour les CDD d'une durée inférieure à 3 mois et dit « d'usage ».
• Les CDD > 3mois, les contrats saisonniers, les « contrats conclus pour une tâche précise et temporaire », ne sont pas concernés par ces sur cotisations. Ils représentent pourtant 70 % des CDD ! Ces sur-cotisations coûteraient 110 M€ mais Les CDI conclus avec des jeunes de moins de 26 ans seront exonérés de cotisations patronales d’assurance chômage pendant 3 mois, 4 mois dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Gain pour le patronat: 155M€
Conclusion de l'opération : le patronat empochera 45M€ !
Cette mesure favorise le recourt à l'intérim, qui n'est pas concerné par les sur cotisations. Le surcoût du contrat intérim (15%) serait .alors inférieur au surcoût CDD La seule diminution de CDD liée à cet accord sera donc consécutive à une augmentation des contrats intérims pour le plus grand plaisir des patrons concernés.
2) Création de CDI intermittents dans 3 secteurs (art 22)
Si le Medef à renoncé aux « contrats de projets » cet accord prévoit une expérimentation d'alternance entre périodes travaillées et périodes chômées (rétribution à l'année) dans les secteurs « chocolat » « formation » et « articles de sports » pour les entreprises de moins de 50 salariés. ! Cela signifie une alternance de CDD sans primes de précarité, les salaires étant lissées sur l'année.
C 'est une brèche énorme ouverte pour normaliser la précarité des salariés. Après les 3 secteurs concernés, rien n'empêchera (hormis la lutte) d’étendre ces contrats à d'autres secteurs et aux entreprises de plus de 50 salariés.

3 ) Accords dit de «maintien de l'emploi » ou de « compétitivité »(art 18).
L'objectif officiel est de donner aux entreprises les moyens de s'adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l'emploi. Alors qu'aucuns droits nouveaux des salariés ne permet à ceux-ci d'intervenir dans les stratégies des entreprises, dans les choix d'investissements... Tous choix qui ont des conséquences sur l'emploi.
Cet accord donne le droit aux employeurs «de gérer » comme ils l'entendent, les conséquences de décisions qui ont conduit l'entreprise dans les difficultés avec du chômage partiel et la possibilité de modifier le temps de travail, les salaires et même l'emploi, et ce pour une durée de 2 ans (durée de l'accord de compétitivité emplois signé dans l'entreprise). L'accord s'impose aux contrats de travail, sans possibilité de refus des salariés sauf à être légalement licencié.

En cas de refus en nombre, l'entreprise est exonérée de l'ensemble des obligations légales et conventionnelles résultant d'un licenciement collectif pour motif économique. C'est l'amplification du projet de loi Sarkozy, publié au J0 sous le nom de loi Warsmann du 22 mars 2012 , qui prévoyait dans son article 40 :
« Modulation du nombre d'heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail : la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. »
C'est un recul historique qui modifie le rapport entre la loi, la convention et le contrat de travail !

4) Mobilité interne imposée (art 15)
Là aussi, une remise en cause sérieuse du droit du travail. Le texte introduit la possibilité de « mise en œuvre de mesures collectives d'organisation...se traduisant par des changements de postes ou de lieux de travail au sein de la même entreprise » Cet article permet aux entreprises de restructurer sans plan social. Il ne défini pas les limites de « la mobilité géographique ». Par contre, il retire au salarié tout recours en cas de refus. Ce
refus entraînera donc un licenciement pour motif personnel au lieu d'un licenciement pour motif économique.
Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité géographique dans l'entreprise.»

5) introduction de mesures dérogatoires pour faciliter les plans sociaux !(art 20-23)
C'est la possibilité de dérogation sur la procédure de licenciements économiques (+ de 10 salariés sur 30 jours dans une entreprise de + de 50 salariés) avec l'accord de syndicats (il n'en manquent pas ) recueillant plus de 50 % des voix. L'employeur prévoit son plan de licenciement, en détermine le calendrier, les modalités dérogatoires et le soumet au CE avec une seule réunion. Ensuite il introduit une demande d'homologation au directeur du Travail (la Dirrecte), par dessus la tête des inspecteurs.
La Dirrecte a 21 jours pour répondre. Une non réponse est considérée comme accord (en réalité, faute de personnel, le contrôle sera rarement opérationnel) .
Ainsi, toutes les procédures de mise en œuvre des plans sociaux passent à la trappe :
• le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP.
• La liste des documents à produire
• les conditions et les délais de recours à l'expert
• l'ordre des licenciements
• Le contenu du plan de sauvegarde.
• L'intervention de l' inspection du travail
• Le contrôle des juges
Alors que monte l'exigence d'interdiction des licenciements boursiers, il devient possible
avec l'accord de syndicats peu regardant de les rendre beaucoup plus facile. Ainsi après avoir mixé pendant 2 ans les mesures de « maintien dans l'emploi » (3), la « mobilité interne » imposée (4), il sera possible de passer à la phase fermeture sans être astreint aux procédures qui aujourd'hui temporisent le « droit » de fermer les entreprises.
6) Remise en cause de la place des procédures.(art 24-25-26)

Sous prétexte de rationalisation, l'accord introduit des dispositions bottant en touche les juges des chambres sociales en écartant les motifs de forme. Ainsi, il écarte comme motif d'invalidation d'un plan social les irrégularités de forme (non respect des procédures) qui ne doivent plus être assimilées à des irrégularités de fond. Terminé le fait que, si un « contrat de travail »relève d'un accord entre deux parties (employeur, employé), la rupture de ce contrat relève d'un acte unilatéral rendant la procédure indissociable du fond. Le rôle des juges est limité par l'obligation d'une conciliation prud'homale avant jugement définissant une indemnité forfaitaire (en fonction de l'ancienneté) plafonnée à 14 mois de salaire et ayant autorité de la chose jugée en dernier ressort. Le délais de recourt devant les prud’hommes est réduit à 2 ans(actuellement 5 ans), le rattrapage possible des heures supplémentaires non payées est réduit à 3 ans.
7) Temps partie
Le minimum de temps partiel est porté à 24h par semaine mais avec un lissage à
l'année. Donc des modulations de travail qui peuvent se révéler insupportables pour les
salariés concernés. De plus l'accord introduit une régression sous couvert de renégociation sur l'existant.
Cela concerne :
• Le nombre et la durée des périodes d'interruption (au pluriel) alors que le code actuel prévoit une seule interruption au maximum de 2h par jour !
• La répartition de la durée du travail dans la semaine qui était fixe.
• Le délais de prévenance pour les modifications d'horaire
• la rémunération des heures complémentaires
• les modalités d'accès au temps plein...
Aujourd'hui, 3,7 millions de salariés, essentiellement des femmes, sont concernées par les temps partiels subits et  donc par les risques encourus par cet accord.

8) Un compte personnel de formation (art 5-6).
La mesure de soit disant contrepartie de « compte de formation universel, individuel, et intégralement transférable » est un rideau de fumée.Ce compte de formation de 20h par an, dans la limite de 120h pour les salariés à plein temps n'apporte rien de nouveau par rapport au Droit Individuel de Formation existant (le DIF) permettant de cumuler 20 h par an sur 6 ans. (Quel avenir pour le DIF financé en partie par le patronat?). Rideau de fumée également, la mesure, dans les entreprises de plus de 300 salariés appelée « mobilité volontaire sécurisée ».
Un salarié de plus de 2 ans d'ancienneté pourra aller « découvrir un emploi dans une autre entreprise » (sic) en ayant l’assurance (?) de retrouver un emploi après. Cela se fera avec un avenant au contrat de travailpour une « suspension « de celui-ci. Si vous revenez, ce sera pour un emploi « similaire » ??? Si vous voulez anticiper votre retour, il faut l'accord des 2 parties.
9) Un droit « de recharge » de l'assurance chômage. (art 3)
Reporté à de futures négociations sauf pour  ce qui concerne le financement de l'assurance chômage pour laquelle le Medef entend ne pas mettre un sou de plus !
10) Présence de représentants de salariés dans les Conseils d'Administration ou Conseil de Surveillance.(art 12-13).
Avant que nombre d'entreprises ne soient privatisées par L. Jospin et son successeur Sarkozy, les entreprises nationalisées avaient 1/3 des administrateurs élus par le personnel (loi de démocratisation du secteur public et nationalisé 1983). Si cela a partiellement permis d'être mieux informés, cela n'a strictement rien changé aux choix stratégiques de ces entreprises La preuve est qu'elles ont été privatisées contre l'avis de la majorité des syndicats :
• Il s'agit dans cet accort d'appliquer la mesure seulement aux entreprises de plus de 10.000 salariés (ou 5000 sur le territoire français) : 200 entreprises sont concernées. Les employeurs pourront imposer à ces administrateurs salariés la confidentialité sur les informations reçues ce qui revient à les bâillonner.. En contrepartie, les infos données aux IRP seront remplacés par « une base de données unique mise à jour régulièrement ».
• En définitive, beaucoup de vent pour cette mesure et sans doute, beaucoup de confusion et de recul dans les informations.
11) La complémentaire santé pour tous ? (art 1-2-10)
Plus qu'un effet d'annonce bidon, une attaque en règle contre la sécurité sociale et
les mutuelles pour le plus grands bien des assurances privées.

Il s'agit d'une assurance qui couvrirait 4 millions de personnes qui n'en ont pas et qui couturerait 4Md€.
En réalité cette assurance serait payée50/50 par les employeurs et les salariés. Le choix des organismes assureurs sera laissé aux entreprises. Cette assurance n'est en fait qu'une couverture minimum des frais de santé : 100% de la base de remboursement des consultations, actestechniques et pharmacie 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires (si elles sont remboursées à 10% elles le seront à 12,5%) et 100€ pour les lunettes. C'est donc au mieux autant voir moins que ne le font les mutuelles aujourd'hui. En réalité, cette proposition est une attaque ciblée en vue de la grande réforme du financement de la sécurité sociale. Cet accord renforce le rôle des assurances complémentaires privées dans la prise en charge des malades. Il est clair que loin de servir à retrouver le chemin du plein emploi, cet accort signé entre des syndicats « minoritaires » et le Medef répond surtout aux vœux de ce dernier : pouvoir licencier sans contrainte.
Loin de préparer l'emploi de demain, le renforcement de la précarité et des difficultés pour les salariés va assécher la demande et créer les conditions de plus de chômage. Rien n'est joué. Il est possible d'imposer que d'autres mesures soient prises par le législateur.

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