Je pourrais consacrer exclusivement cet article au « poison américain
» : la crise qui continue de ravager le pays, Wall Street qui a renoué
avec ses très mauvaises habitudes, le déferlement d’argent en politique
qui tend à transformer la plus ancienne démocratie moderne en
oligarchie, la dérive sans fin du bon vieux parti républicain, etc.
Si
je développais ce prisme, je ne mentirais pas au lecteur. Il s’agit
bien là d’une partie de la réalité qui, au demeurant, domine
outrageusement le traitement médiatique du pays. Mais il y a une autre
partie de la réalité qui est à la fois plus ignorée, plus souterraine
mais aussi plus « prometteuse ». Cette réalité, c’est « l’antidote »,
appelons-là ainsi. L’antidote : « Les États-Unis sont prêts pour un
nouveau New Deal, une nouvelle ère de politiques progressistes », comme
le répète, depuis des années, Paul Krugman, le Prix Nobel d’Économie.
Dans son ouvrage Left,
récemment paru, Eli Zaretsky met en exergue la même potentialité.
L’intellectuel new-yorkais se penche sur les trois grandes crises de
l’histoire américaine qui ont débouché sur « trois grands mouvements de
réforme structurelle » (l’abolition de l’esclavage, le New Deal, les
transformations culturelles des années 60 avec la lutte des droits
civiques). Il rappelle que la gauche « y a joué un rôle clé en conférant
une dimension spécifiquement égalitaire à ces changements ». Et voilà
que les États-Unis traversent la quatrième grande crise de leur
histoire, souligne-t-il. On attend donc avec impatience la quatrième
grande période de changements. Quand Zaretsky parle de « chan gement »,
il lui impute, évidemment, un caractère progressiste. Mais le changement
intervient aussi parfois pour le pire.