Aujourd'hui les États sont dans l'obligation de donner des gages de "bonne gestion capitalistes" et d'avoir "une bonne note" auprès des agences de notation pour pouvoir se financer à un taux "décent" auprès des marchés financiers. Une obligation de se tourner vers ces derniers alors même que les banques peuvent se refinancer, aujourd’hui, auprès de la BCE à moins de 1% et fixer ensuite des taux exorbitants aux États. Plus de 4% pour la France qui bénéficie pourtant d’un AAA auprès des agences de notation, plus de 6% pour l’Italie, plus de 14% pour la Grèce (1).
Soumettre les États aux marchés financiers: un choix politique.
Cette obligation est la résultante d'une volonté politique. En France c'est la loi du 3 janvier 1973 qui a enclenché ce processus, conforté et renforcé par le traité de Maastricht de 1992 et la loi du 4 août 1993.
La loi "Pompidou-Giscard" du 3 janvier 1973, décide de mobiliser la force de l’État pour promouvoir le marché financier et soutenir les opérations financières des banques ordinaires. Elle stipule en son article 25 que "le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la Banque de France". En pratique, cela signifie que l'on interdit à la République française l'accès direct à la création monétaire de la Banque centrale en l'obligeant à emprunter auprès des banques privées sur les marchés d'obligations à des taux d'intérêt dépendant de la conjoncture de ces derniers.
Par cette réforme, "il s'agissait à l'époque de constituer un véritable marché des titres à court, moyen et long terme, qu'ils soient émis par une entité privée ou publique" confirme V. Giscard d'Estaing (2). Et il la justifie : "la possibilité du prêt direct de la Banque de France au trésor public a généré partout où il fut appliqué une situation d'inflation monétaire permanente". Constatation très discutable, car ce n'est pas, en soi, l'appel public à la création monétaire de la Banque centrale qui est inflationniste, mais la façon dont cette création monétaire, utilisée alors par l’État pour de massifs transferts en direction des capitaux monopolistes, n'a pas engendré une croissance suffisante des richesses réelles, d'où l'inflation.
L'enjeu était non seulement de mettre l'endettement de l’État au service des grands groupes, mais aussi de favoriser le financement de ces derniers (3).
Cela a conduit à une longue période d'essor du marché financier et à une envolée de la dette publique. De fait, avec le ralentissement de la croissance et la montée du chômage, avec les transferts de plus en plus massifs de l’État vers les grandes entreprises faisant exploser les gâchis de financements publics, avec l'inauguration des politiques d'austérité raréfiant les recettes fiscales et sociales, les comptes publics de la France ont commencé à s'enfoncer structurellement dans le rouge à partir de 1974 pour, depuis, ne plus jamais revenir dans le vert.
Sous la pression des marchés, la spirale de la dette.
C'est le cumul de ces déficits successifs qui explique la croissance de la dette publique désormais couverte par des emprunts sur les marchés financiers. S'engage alors une spirale de la dette que renforcent :
- Le rôle des agences de notation : les apporteurs de fonds (banques, assurances, fonds de pensions et d'investissement...) surveillent la "qualité" des emprunteurs notés par des Agences de notation. Ils exigent des taux d'intérêt d'autant plus importants que les notes sont faibles.
- La "mission" de la BCE : La pratique de l'appel par l’État aux marchés financiers pour financer ses déficits est devenue encore plus systématique et d'ampleur avec le passage à un euro conçu, précisément, au service de la domination des marchés financiers, avec une banque centrale "indépendante" et interdite par traité de toute monétisation de dettes publiques.
- Le développements des "outils spéculatifs" : Cette spirale se trouve renforcée par un système devenu totalement « hors de contrôle », avec la mise en place d’outils spéculatifs qui à l’oeuvre dans la crise de 2007-2008, sont restés quasiment intacts : paradis fiscaux, opacité des transactions, produits dérivés et ventes à découvert. La motivation des spéculateurs ne s’embarrasse d’aucun état d’âme, « L’Italie est visée par des spéculateurs qui ne cherchent plus à se faire rembourser mais parient sur sa faillite. » (Jacques Attali)
(1) Pour tout connaître ou presque de la dette de l’État en France :
http://www.aft.gouv.fr/aft_fr_23/dette_etat_24/dette_20_questions_69/index.html
(2) Blog de VGE pour la démocratie en Europe. Vendredi 25/07/2008.
(3)Les grands groupes pour des objectifs de rentabilité financière, se lancent dans des opérations de restructuration et de fusions-acquisitions à l'échelle du mondiale requérant d'énormes fonds levés sur les marchés
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