Économistes, nous avions, le 20 avril dernier, appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche. A l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, pour battre Nicolas Sarkozy le 6 mai, nous mettrons un bulletin de vote François Hollande dans l'urne, sans rien lâcher de nos exigences et sans nous rallier à son programme économique. Notre appel du 20 avril, diffusé dans la presse, s'est à présent élargi à d'autres collègues économistes qui nous ont rejoints, et compte plus de 50 signataires prouvant ainsi que la dynamique du Front de gauche est en marche pour une alternative aux politiques actuelles afin de sortir de la crise.
Quel que soit le résultat
du scrutin, il n'y aura pas d'état de grâce. Le futur gouvernement va être très
vite confronté à la crise des dettes publiques qui n'en finit pas. A cause de
la crise financière et de leur détention par les marchés financiers, l'augmentation
de la plupart de ces dettes dans la zone euro a déchaîné la spéculation contre
l'euro et constitue l'argument central des politiques d'austérité, ici comme
dans beaucoup d'autres pays : l'endettement public mondial a cru de 45 %
ces quatre dernières années, notamment parce que les États se sont portés au
secours des banques. A tout moment, et sous l'effet de la spéculation qui mise
d'ores et déjà sur l'éclatement de la zone euro, un risque de défaut (dette
publique, une grandes banque européenne) peut survenir. La contagion sera alors
immédiate. Or, à la différence de la crise de 2007-2008, les États sont devenus
exsangues et, outre une profonde réforme fiscale, ne pourront donc efficacement
soutenir les banques et l'activité économique qu'avec une autre intervention de
la Banque centrale européenne (BCE). Les organismes créés dans l'urgence par
l'Union Européenne pour faire face à cette crise (Mécanisme européen de
stabilité, Fonds européen de stabilité financière) ne feront qu'aggraver la
situation, puisque leurs prêts sont conditionnés à la mise en œuvre d'une
austérité drastique et à la mise sous tutelle des pays par la sinistre Troïka
(Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Conseil
européen).
L'enjeu économique actuel
est la confrontation majeure avec les marchés financiers, sans accepter le
scénario noir d'un repli, avec un éclatement de la zone euro, une relance de la
spéculation, des difficultés immédiatement accrues pour les peuples,
l'enfoncement des économies les plus faibles et tous les risques
d'affrontement.
Pour sortir de la crise, il
faut rompre avec les dogmes des politiques d'austérité qui engendrent les
cercles vicieux de la dette et de la déflation. Il faut rompre avec les dogmes
de la compétitivité anti-salariale consistant à flexibiliser le marché du
travail et à rogner sur les droits sociaux. Il s'agit pour les néo-libéraux de
baisser les "coûts du travail" pour mieux protéger les dividendes et
les prélèvements bancaires sur la richesse produite. C'est pourtant cette
vision du monde qui l'a mené dans la situation extrêmement précaire où il se
trouve.
Il est fondamental de
briser le cercle vicieux austérité-récession qui entraîne l'Europe vers le
chaos. C'est pourquoi nous nous opposons au Traité sur la stabilité, la coordination
et la gouvernance (TSCG), signé le 1er mars. Il
ne touche pas au statut de la BCE ni à sa politique monétaire et, au contraire,
les sanctuarise. Il véhicule et grave dans le marbre, avec la prétendue
"règle d'or", la vision d'une Europe sans solidarité ni transfert ;
où chaque nation serait individuellement tenue à l'équilibre budgétaire et,
sinon, sanctionnée automatiquement. Ce traité veut verrouiller l'intervention démocratique des peuples et
empêcher toute expansion sociale, tout développement social de qualité et même
toute croissance réelle nouvelle nécessaire à une réorientation de l'économie
en Europe, gage d'une dynamique de reconversion écologique et d'une sortie de
crise.
Pour rompre avec
l'austérité, il faut battre Nicolas Sarkozy, soutien majeur du capitalisme
financier, l'un des deux artisans majeurs du TSCG et de la mise sous tutelle
anti-démocratique des pays les plus en crise comme la Grèce par la BCE, le FMI
et le Conseil européen. Le 6 mai, nous mettrons le bulletin de vote François
Hollande pour commencer à dégager l'horizon. Pour autant, il ne faut surtout
pas rivaliser avec la droite dans l'application d'une prétendue règle d'or, de
déficit zéro avant tout.
Nous formulons dès
aujourd'hui les propositions d'une sortie par le haut visant l'expansion
sociale et écologique, avec en son cœur l'emploi, les services publics et la
sécurisation de tous les moments de la vie de chacun-e au lieu du chômage et de
la précarité. Il faudra bien sûr une taxation des transactions financières, une
séparation patrimoniale des banques de dépôt de leurs activités spéculatives,
mais surtout au plus vite :
·
Un pôle public
bancaire et financier pour pratiquer un tout autre crédit aux investissements
favorisant l'emploi, les salaires, la formation, le développement social et
écologique et non à ceux accompagnant les délocalisations, la spéculation ;
·
Une politique
salariale favorisant l'élévation des salaires et la protection sociale,
refusant les exonérations de cotisations sociales, et impulsant une baisse
régulière du temps de travail pour sortir de la course au productivisme ;
·
Une implication
massive de la BCE pour racheter les dettes publiques et une réorientation de sa
politique en faveur d'une sélectivité du refinancement des banques qui prêtent aux
entreprises;
·
L'ouverture du
débat en Europe avec les gouvernants, les peuples, les forces politiques
progressistes, les forces sociales et syndicales, pour la réorientation
immédiate de la BCE et de sa création monétaire en faveur des services publics,
d'une protection sociale universelle, avec un Fonds européen de développement
social et écologique, et pour une nouvelle sélectivité du refinancement du
crédit bancaire aux entreprises.
· La mise en route d'une réforme du système monétaire
international, interdisant les paradis fiscaux et les produits financiers
dérivés et promouvant l'idée de la monnaie comme un bien commun de l'humanité,
avec, au lieu du dollar, une monnaie commune mondiale de coopération et de
progrès social à partir des droits de tirage spéciaux et un FMI profondément
refondé, pour une autre coopération avec le Sud et les pays émergents.
Une démocratisation
profonde des choix économiques et financiers devra être engagée reposant sur la
mobilisation des citoyens sur leurs lieux de travail et de vie, avec leurs
institutions représentatives.
Tout cela appelle de
nouvelles lois, l'abrogation de lois existantes, et une résistance pied à pied
et donc, dans tous les cas de figure, l'élection en juin de nombreux députés du
Front de gauche. Face aux marchés financiers, il faut de la hardiesse et du
courage, des mesures précises, cohérentes, dans le rassemblement des peuples
d'Europe. Il s'agit de se donner les moyens d'un chemin d'espoir.
Louis Adam,
commissaire aux comptes ;Pierre Alary, maître de conférences, université
Lille-I ; Bruno Amable, professeur des universités, université de Paris-I
;Renaut Baphèse, économiste ; Philippe Batifoulier, maître de conférences,
université de Paris-X ; Nicolas
Béniès, économiste, université populaire de Caen ; Eric Berr,
maître de conférences, université de Bordeaux-IV ; Paul Boccara, maître de
conférences honoraire, université de Picardie ; Frédéric Boccara, maître de conférences associé,
université Paris-XIII ; Mireille Bruyère, maître de conférences, université
Toulouse-I ;Pierre Causse, économiste ;Pierre Concialdi, économiste ; Laurent
Cordonnier, maître de conférences, université Lille-I ; Gérard Coutureau,
économiste, ENFA ;Yves Dimicoli, économiste, ancien membre du Conseil d'analyse
économique ; Jean-Paul Domin, maître de conférences, université de Reims ; Ali
Douai, maître de conférences, université de Nice ; Denis Durand, économiste ;
Jean-Marc Durand, économiste ; Guillaume
Etievant, économiste, expert auprès des CE ; David Flacher,
maître de conférences, université Paris-XIII ; Maryse Gadreau, professeur
émérite, université de Bourgogne ; Jacques Généreux, économiste, IEP, Paris ; Patrick
Gianfaldoni, maître de conférences, université d'Avignon ; Jean-Pierre Gilly,
professeur émérite, université de Toulouse-I ; Bernard Guibert, économiste ;
Ozgur Gun, maître de conférences, université de Reims ; Jean-Marie Harribey,
économiste ; Isabelle Hirtzlin, économiste, université Paris-I ; Michel Husson,
économiste ; Andrée
Kartchevsky, professeur des universités, université de Reims ;
Pierre Khalfa, économiste ; Robert Kissous, statisticien-économiste, consultant
de CE ; Dany Lang, maître de conférences, université Paris-XIII ; Pierre Le
Masne, maître de conférences, université de Poitiers ; Philippe Légé, maître de
conférences, université de Picardie ; Jean Magniadas, membre honoraire du
Conseil économique et social ; Jérôme
Maucourant, économiste, université de Saint-Etienne ; Philippe Méhaut, directeur
de recherches, CNRS ; Catherine Mills, maître de conférences honoraire,
université Paris-I ; Alain, Morin, économiste ; François Morin, professeur, université Toulouse-I ;
Bernard Paranque, économiste ; Jean-François
Ponsot, maître de conférences, CREG, université de Grenoble ; Frédéric Rauch, économiste,
rédacteur en chef de la revue Economie
et Politique ; Jacques Rigaudiat, économiste, ancien conseiller
social des premiers ministres M. Rocard et L. Jospin ; Robert Salais, économiste, ENS Cachan ; Richard Sobel,
maître de conférences, université Lille-I ;Bernard Sujobert, économiste ; Bruno
Tinel, maître de conférences, université de Paris-I ; Stéphanie Treillet, maître
de conférences, université de Marne la Vallée ; Franck Van De Velde, maître de conférences, université
Lille-I ; Sébastien Villemot,
doctorant, Ecole d'économie de Paris.
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