lundi 22 octobre 2012

Monde arabe : où en est-on ?

Un article du secteur international du PCF

Il y a 18 mois, plusieurs peuples du monde arabe se soulevaient pour mettre un terme à des décennies de dictatures et de pouvoirs autocratiques jusqu’alors soutenus par les puissances occidentales.

Depuis, pour certains de ces pays, des élections ont permis la mise en place de nouveaux gouvernements, comme en Tunisie et en Égypte. Pour d’autres, comme au Yémen, au Bahreïn, au Maroc, l’action se poursuit, malgré la répression, pour des sociétés démocratiques. En Libye, le pouvoir encore fragile tente d’établir un état de droit, malgré les velléités des milices armées.

Que penser de cette période écoulée ?

L’enthousiasme suscité par les révolutions s’est peu à peu dissipé pour laisser place à un sentiment d’inquiétude sur l’avenir.

D’abord, ce sont, il y a un an, les succès électoraux remportés par les partis religieux en Tunisie et en Égypte, partis pourtant absents des manifestations ayant abouti à la chute des anciens régimes. Ce sont ensuite les agressions répétées de groupes salafistes contre des femmes, des syndicalistes, des journalistes, des artistes. Ces événements vont à l’encontre des espoirs suscités, d’autant que les gouvernements refusent de condamner fermement ces actes et d’appliquer la loi contre leurs auteurs. Mais la résistance civile pacifique, déterminée, à ces groupes factieux, ne cesse de s’élargir.

Car nous n’avons pas affaire à des sociétés, que ce soit en Tunisie ou en Égypte, où les peuples sont disposés à suivre aveuglément de tels groupes. Loin de là. C’est aussi vrai pour ces partis religieux, comme Ennahda en Tunisie ou les Frères musulmans, qui ont été élus dans un rapport de force, favorisé par la division des formations progressistes. Or, l’exercice du pouvoir par ces partis religieux suscite de plus en plus de mécontentement dans les populations au plan social, où rien n’a réellement changé.


C’est pourtant sur ce terrain social que se joue l’avenir de ces révolutions. Si aucune réponse n’est apportée au chômage des jeunes, et à l’absence d’espoir pour leur avenir, cela peut les entraîner sur le chemin des intégristes. Les forces progressistes, communistes de ces pays ont bien compris le danger. La nécessité de travailler à leur propre rassemblement afin d’offrir une alternative progressiste aux pouvoirs en place, commence à porter ses fruits. Le bras de fer ne fait que commencer. Ne jugeons pas trop vite et sachons mesurer le chemin accompli et les obstacles à franchir. La transition démocratique et sociale de ces pays prendra du temps et des violences seront toujours à craindre. Mais ces peuples ne toléreront pas que l’on revienne en arrière.

Les options libérales de leur politique ne faisant qu’aggraver un peu plus la situation, pénalisée en plus par la crise mondiale qui éloigne d’autant les aides financières promises.

Et la Syrie ?

Autre chose est la situation en Syrie. C’est aujourd’hui un rythme de 1000 morts par semaine du fait de la répression féroce du régime. En moyenne, les deux-tiers sont des victimes civiles.

Le peuple syrien, comme d’autres peuples arabes qui s’étaient levés en masse pour des réformes démocratiques et sociales, se trouve aujourd’hui pris en tenaille entre un pouvoir criminel et des enjeux stratégiques de puissances régionales et mondiales allant des États-Unis à la Russie en passant par l’Union européenne, dont la France, Israël, l’Iran et la Chine, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie. Pour les plus proches et les plus engagés d’entre eux dans la région, la Syrie représente une carte majeure pour gagner ou conserver des positions dans une zone où se concentrent à la fois des réserves énergétiques et des points de fixation majeurs de crise comme la question palestinienne et la politique colonisatrice d’Israël.

L’hypothèse du nucléaire iranien qu’Israël veut éradiquer par la force, la confrontation religieuse entre Sunnites et Chiites qui ne cesse de se raviver, et la crainte pour la Russie d’être la cible de groupes intégristes vers le Caucase du Sud, alimenté par les pays du Golfe, ne font que contribuer à faire de cette région une véritable poudrière.

On pourrait multiplier les différentes facettes et combinaisons de ce drame syrien. Mais ce qui est au cœur, c’est que ce peuple ne peut décider librement de son avenir dès lors qu’il est situé dans une zone de haute conflictualité entre des intérêts qui ne sont pas les siens. Le peuple syrien paie un trop lourd tribut à cet état d’un monde où la parole des peuples pèse trop peu face aux politiques de puissances.

Dans l’immédiat, l’objectif est de stopper les violences, venir en aide aux victimes, permettre à la population de respirer. Toute initiative qui va dans ce sens doit être soutenue, comme la mission du représentant de l’ONU, Lakdhar Brahimi et le plan en 6 points adopté à Genève. L’union de l’opposition devrait aussi permettre de desserrer l’étau, sortir de l’impasse actuelle et créer les conditions d’un processus conduisant à une solution politique qui mette un terme à ce régime. Sinon, le nombre de victimes s’alourdira chaque jour et le risque d’un élargissement régional de l’affrontement armé ne fera que grandir.

Non, la Syrie ne doit pas devenir le cimetière du printemps arabe. Aux hommes et aux femmes progressistes, laïcs, épris de démocratie, de justice sociale, de souveraineté et de dignité, notre solidarité politique leur est acquise. C’est le sens de l’engagement du PCF aux côtés d’autres associations et partis décidés à venir en aide aux populations civiles.

Patrick Margaté
responsable collectif Monde arabe

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