lundi 22 octobre 2012

Création d'une banque publique : la Commission européenne bloque l’initiative citoyenne

En juillet dernier, 7 personnalités européennes*, dont Pierre Laurent, ont déposé une proposition d’initiative citoyenne européenne pour la création d’une banque publique européenne exclusivement destinée au financement de services publics et d’investissements industriels garantissant un haut niveau de droit pour les salariés et une ambition de transition écologique. La Commission européenne a bloqué la procédure deux mois plus tard…

Une campagne de proximité pour un haut niveau de proposition politique.

Lors de son dernier congrès, en décembre 2010, le Parti de la gauche européenne (PGE), mesurant l’importance de la crise et les risques populistes et xénophobes a considéré qu’il était de sa responsabilité de formuler des propositions concrètes de sortie de crise et de refondation de l’UE. Il a décidé de promouvoir l’idée d’une « Banque publique européenne axée sur le développement social, écologique et solidaire » à travers la procédure d’Initiative citoyenne européenne (ICE).

Les évolutions de la crise financière et bancaire, ainsi que les conséquences des politiques d’austérité sur les peuples, ont chaque jour renforcé la nécessité de se confronter à la finance. Face à l’austérité permanente et à la confiscation des souverainetés populaires, dont le Traité budgétaire est un des fers de lance, notre proposition était – et est toujours – de relancer l’investissement public dans des projets sociaux et industriels et de favoriser l’intervention des citoyens dans le débat sur la construction européenne.

Derrière l’idée d’une banque publique européenne, il y a une grande ambition de refondation de l’UE. Cette idée remet directement en cause le rôle et les missions de la Banque centrale européenne, qui aujourd’hui prête aux banques privées – parfois à des taux très bas – et refuse d’utiliser ce pouvoir de création monétaire au service de l’emploi, du développement des services publics, de la transition écologique. De par sa mission de financer le développement social, écologique et solidaire, son fonctionnement démocratique faisant intervenir notamment des élus, des acteurs économiques et des représentants syndicaux et son mode de financement par le produit d’une taxe sur les transactions financières, une contribution du budget européen et par des prêts de la Banque centrale européenne, cette banque publique européenne représenterait un outil novateur susceptible d’apporter une réponse concrète et progressiste à la crise.


Les sept ambassadeurs citoyens, de sept pays européens et évoluant dans les sphères politique, sociale, culturelle et syndicale ont donc été les dépositaires d’une initiative citoyenne européenne portant sur un sujet phare, pour ne pas dire « le nerf de la guerre ».

Cette procédure, promue par les libéraux comme une « avancée démocratique » du traité de Lisbonne, est parsemée d’obstacles bureaucratiques. Mais elle a l’avantage de déboucher – à condition de récolter un million de signatures – sur la possibilité d’un acte législatif européen.

Le PGE, avec les forces sociales, syndicales, culturelles et politiques qui s’engageaient dans cette campagne, était donc en marche pour une grande campagne politique de proximité, dans un cadre inédit.

La commission européenne refuse d’enregistrer l’ICE.

Le 7 septembre dernier, alors que le lancement de la campagne en France était prévu la semaine suivante à la Fête de l’Humanité, la commission européenne a refusé d’enregistrer l’initiative citoyenne européenne.

Cela en dit long, d’une part sur le mépris réservé aux citoyens européens, et d’autre part, sur le dogmatisme des commissaires qui, il faut le rappeler, ne sont pas élus.

La proposition respectait le cadre de l’ICE en s’appuyant sur les « objectifs de l’UE » officiellement énoncés : « combat l’exclusion sociale […] la justice et la protection sociales [et] la solidarité entre les états membres ». (Article 3, alinéa 3 du TUE). Le premier motif du rejet de la commission est le suivant : « Il faut clairement noter que cette disposition légale, en elle-même, ne confère pas de pouvoirs aux institutions pour adopter des actes juridiques ». En d’autres termes, les « objectifs de l’UE» ne constituent pas une base juridique pour produire du droit européen. On se demande alors sur quoi sont fondées les milliers de directives, de règlements, de résolutions produites tous les ans… Cet argument ne tient pas la route !

Mais au-delà du débat institutionnel, le plus effrayant dans la réponse de la Commission européenne, c’est que que toute proposition hors des clous néolibéraux risque de subir le même sort.

Dans sa réponse, la commission le formule ainsi :
« Après examen approfondi […] la Commission considère qu’il n’y a pas de base juridique dans les traités qui permette de présenter une proposition établissant un tel organisme » ! Les propositions solidaires et démocratiques nouvelles, innovantes, si elles doivent passer par une validation politique de la Commission, vont donc buter sur le dogmatisme libéral. D’ailleurs, une proposition d’ICE émanant des mouvements sociaux « pour un revenu minimum européen », vient d’être, elle aussi, rejetée.

Pour une riposte populaire, nous ne baisserons pas les bras !

L’idée de la banque publique européenne reste une proposition concrète et efficace pour répondre aux défis d’une croissance saine, pour les travailleuses et travailleurs comme pour la planète. Et l’intervention citoyenne dans les choix européens reste un enjeu crucial pour une nouvelle manière de construire l’Europe. La procédure « officielle » nous est confisquée ? Nous avons d’autres moyens de faire monter cette exigence au plan européen et dans nos pays.

Un premier rassemblement a eu lieu à la Fête de l’Humanité, contre cette décision inacceptable. Pétition ? Manifestation ? Conférence sur la refondation de l’UE ? Les formes de la campagne européenne, dans ces nouvelles conditions, seront définies dans les prochaines semaines, dans les instances du PGE, et avec ses partenaires. Une affaire à suivre.

*Les 7 ambassadeurs de l’ICE
Pierre Laurent, président du Parti de la gauche européenne (FR)
Alexis Tsipras, président de Syriza (GR)
Marta Sanz, écrivaine (ES)
Heinz Bierbaum, syndicaliste et député (DE)
Judit Morva, intellectuelle progressiste (HU)
Lidia Menapace, Association des partisans (I)
Nico Cue, secrétaire général de la centrale des Métallos de la FGTB (BE)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire