Le
Mali est en guerre, une guerre dont nous ne voulons pas mais qui nous a
été imposée essentiellement par des forces étrangères à notre pays. Il
s’agit d’une immense tragédie pour notre peuple. Nous savons qu’elle
n’est malheureusement qu’à ses débuts. Nul ne sait quand elle prendra
fin.
Nous
savons qu’il y a entre vous, amis du Mali de France, tout comme entre
camarades maliens, de nombreux et difficiles débats à ce sujet. Les
communistes français et surtout le peuple français ont été des amis de
toujours du Mali.
Combattre
l’avancée des djihadistes vers le sud a provoqué chez vous beaucoup de
débats, des interrogations. Mais sachez qu’il en est de même chez nous,
au Mali. Nous avons les mêmes débats, les mêmes interrogations, les
mêmes inquiétudes.
Dans
un premier temps, nos populations étaient très en colère parce que tout
se décidait en dehors d’elles, en dehors du Mali. Nous nous sommes
sentis humiliés et révoltés par tant de mépris. Nous savions que toutes
les décisions se prenaient à Paris, à Abidjan, à Ouagadougou et
ailleurs, jamais à Bamako et cela continue toujours. Cela est
inacceptable et nous avons apprécié les voix qui nous ont soutenus
contre ces atteintes graves à notre souveraineté en tant que pays, en
tant que peuple concerné au premier chef par ce qui nous arrive de par
le complot tramé contre notre peuple avec la bénédiction de certains de
ses fils et de ses dirigeants. Nous étions et restons confrontés à une
dure réalité, à un piège mortel qui se renfermait sur nous. Nous sommes
des militants qui détestons la guerre, surtout celle là qui nous est
imposée aujourd’hui et à un moment où nous avons été affaiblis et
désarmés pendant deux décennies par un régime corrompu, présenté à tort
comme une démocratie exemplaire alors qu’il n’en était rien. Cela
faisait partie de la mise en scène orchestrée par les tuteurs
occidentaux des démocraties africaines.
Face à
l’avancée brutale des djihadistes, sans intervention extérieure, nous
risquions d’être complètement anéantis. Nous n’avions plus le choix
devant l’imminence du danger. L’intervention militaire française a été
alors ressentie comme un soulagement par nos populations même si nous
étions contre par principe, même si elle ne règle pas les questions
fondamentales et pose problème quant à ses fins ultimes.
En
France, en Europe et ailleurs, elle a causé bien de drames qui font
payer lourdement aux travailleurs les conséquences des politiques qu’ils
n’ont jamais cautionnées.
Un
peu partout dans le monde et surtout en Afrique, les conséquences des
politiques prédatrices du FMI et de la Banque Mondiale ont occasionné
des guerres imposées aux populations traumatisées face aux incertitudes
du lendemain. La crise au Sahel et la guerre actuelle dans le nord du
Mali en est la triste illustration.
Une
lecture simpliste la dépeint comme un simple affrontement, un « choc
entre civilisations » et une « lutte contre le terrorisme transnational
islamiste » imposant à l’occasion une causalité unique, une vision
dualiste du monde nourricière d’encore plus de violences.
Le
drame actuel au Sahel et ses conséquences au Mali ne sauraient être
appréhendés sans l’éclairage géopolitique et géostratégique des
convoitises que suscitent les immenses ressources de son sous sol auprès
des multinationales occidentales notamment françaises en ce qui
concerne le pétrole et l’uranium entre autres. Telle est la trame
véritable de la guerre actuelle imposée au Mali par les « fous d’Allah »
et les « fous du Saint Profit » au nom de la Charia, des trafics de
drogue et d’otages, au nom du pétrole, de l’uranium et du Capital.
Si
l’intervention française au Mali a été momentanément saluée par la
grande majorité des populations maliennes désarçonnées par l’avancée
brutale des djihadistes vers le sud, l’arrêt tout aussi brutal de la
reconquête du territoire national par l’armée malienne aux portes mêmes
de Kidal, suscite en elles bien d’interrogations sur les arrières
pensées, les non dits de cette intervention. Les chaudes déclarations
d’amitié des autorités françaises à l’égard de certains touaregs,
l’alliance de fait avec la rébellion ultra minoritaire du MLNA non
représentative de l’écrasante majorité des communautés touaregs tout
aussi opposées à a guerre et à la partition du pays, l’accompagnement
militaire imposant par l’armée tchadienne des armées françaises, nous
imposent davantage de circonspections quant aux affirmations de
désintéressement de la France. Ce qui se trame aujourd’hui à Kidal
finira certainement par déchirer les voiles de l’hypocrisie et du
mensonge quant aux visées réelles des interventions étrangères au Mali,
quelles soient françaises, européennes, africaines ou sous mandat de
l’ONU.
L’intervention
au Nord Mali ne vise pas seulement la sécurisation des
approvisionnements énergétiques et autres des puissances occidentales,
notamment de la France. Du même coup, elle remet en selle et réconforte
un régime, des institutions, des hommes et des femmes, un système
politique et une démocratie totalement corrompus et impopulaires et qui
ont une responsabilité lourde dans le désastre dont aujourd’hui notre
peuple est victime.
L’insistance
avec laquelle le recours aux élections dans les délais les plus rapides
est exigé par les occidentaux, témoigne beaucoup plus de leur
impatience à donner un vernis de légitimité à des élites prédatrices à
leur solde. La question de la faillite même de l’Etat malien, la
nécessité de son assainissement et de sa reconstruction sur des bases
populaires et réellement démocratiques ne sont point inscrites dans la
feuille de route de la Transition qui nous est dictée. La création d’une
force d’interposition africaine puis sous mandat onusien finira par
boucler la boucle de l’ordre ultra libéral d’accès total aux richesses
du sous sol malien que l’on veut imposer aux peuples du Mali, d’Afrique
et d’ailleurs.
Comment
ne pas comprendre alors que la guerre au Mali n’est que le prolongement
de la compétition féroce entre deux impérialismes alliés par ailleurs
aujourd’hui en Lybie et en Syrie, l’un classique et aux abois,
occidental et l’autre nouveau et conquérant, celui de l’impérialisme
arabo-salafiste incarné par les pétromonarchies du Golfe comme le Qatar
et l’Arabie saoudite, fossoyeurs des libertés de leur propre peuple et
bailleurs de fonds des économies occidentales en perdition.
Par
ailleurs, on parle du Mali, on prétend venir à son secours mais on
refuse en même temps la parole à son peuple, le libre choix de ses
populations pour décider en toute souveraineté de leur propre destin.
Camarades
de France et du monde, les relations de solidarité et de fraternité
entre le Parti Communiste Français et les forces de gauche en France et
au Mali ne datent pas d’aujourd’hui. Elles sont restées constantes et ne
se mesurent point en nombre de barils de pétrole et de tonnes d’uranium
extraits ou à extraire du sous sol malien.
Je
voudrais, à cette occasion, exprimer à l’endroit du Parti Communiste
Français et du Front de Gauche toute la reconnaissance des forces
patriotiques maliennes organisées au sein du Mouvement populaire du 22
Mars (MP 22) et de la Coordination des Organisations Patriotiques du
Mali (COPAM) et au-delà, pour leur soutien constant et multiforme,
solidaire des mêmes visions et des mêmes espérances que nous nourrissons
pour l’Humain en Europe comme en Afrique et partout dans le monde.
Nous
avons les mêmes défis à relever, le même combat à mener en Europe, en
Afrique, en Amérique latine, en Asie et partout ailleurs. Nous avons
face au Capital le même destin. Nous devons tisser une solidarité de
combats entre peuples du Nord et du Sud, entre femmes et hommes, entre
jeunes et vieux, entre Humains.
Des
coopérations et des solidarités concrètes sont à construire. Je pense
aux coopérations entre villes à renforcer, entre jeunes, entre les
établissements scolaires et universitaires, associations de femmes,
intellectuels, clubs sportifs, artistes, couches sociales et
professionnelles. Nous avons besoin aussi de solidarités politiques et
nous vous remercions d’avoir entendu nos colères et nos volontés de
souveraineté, perçu et partagé nos évolutions face aux dures réalités.
Merci de continuer ensemble !
Je
voudrais, en guise de conclusion, évoquer devant vous une complainte,
celle de « Tinèni » (la petite carpe en langue bamanan), tirée d’un
conte du terroir malien. Un jour, au cours d’une rencontre générale
entre tous les êtres, chaque créature essaya d’écrire le drame de sa
condition. Quand vint le tour de « Tinèni », elle évoqua, les larmes aux
yeux, la tragédie qui était la sienne. Elle décrivit le monde comme une
jungle où les plus forts dévoraient les plus faibles en toute impunité.
Son destin à elle n’était pas seulement de finir en friture. Le plus
cruel vient, dit-elle, quand une fois frite, on la prend par la queue
pour la croquer par la tête à belles dents, en la fixant droit les yeux
dans les yeux.
Il
nous faut en finir au Mali, en Afrique et ailleurs avec le destin des
« Tinèni ». En France, au Mali, en Palestine, au Kurdistan, en Amérique
latine, en Asie, en Europe et partout dans le monde, les peuples doivent
se donner la main pour construire ensemble des alternatives populaires
aux camisoles de force imposées ici et là par les puissances d’argent.
Le chemin de la paix et de la solidarité est long et difficile. Pour y parvenir, il nous faut réinventer l’avenir.
Alors pour cela osons ensemble « rallumer les étoiles »
Plein succès au 36ème Congrès du Parti Communiste Français
Je vous remercie
Paris le 09 Février 2013
Pr Issa N’DIAYE
36e congrès du PCF - Issa Ndiaye Mouvemement... par CN-PCF
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