mardi 19 juin 2012

Algérie : élections et après ?

Analyse de Patrick Margaté, responsable Monde arabe des Relations internationales du PCF, sur les élections législatives en Algérie.

Les résultats des élections législatives en Algérie ont suscité de nombreux commentaires, soulignant le recul de l’abstention, les progrès en sièges du FLN, l’échec des partis islamistes, et la présence de 30% de députées femmes.

De fait, les partis qui forment le pouvoir, le FLN et le RND, sont les vainqueurs de ces élections avec au total 291 sièges sur 462 à l’Assemblée nationale, le FLN s’en voyant attribué 221 à lui tout seul. L’Alliance de l’Algérie verte, islamiste, ne recueillant que 47 sièges, est bien loin de ses objectifs. Le FFS, de retour sur la scène électorale, n’en comptabilise que 21, le RCD, ayant pour sa part appelé au Boycott. Plus de 160 recours ont été déposés pour fraude à l’issue du scrutin.

Du côté des réactions internationales, il faut noter celles d’Hillary Clinton, de l’UE, de la France, de la Russie, toutes se félicitant du bon déroulement du scrutin et de la nouvelle place donnée aux femmes à l’Assemblée.

Quant au pouvoir, il dit voir sa légitimité renforcée et qu’il peut ainsi poursuivre sa politique de réformes. Se limiter à cette présentation des résultats permet elle d’appréhender la réalité politique de ce pays, les attentes de la population et la nature des questions posées ? Non, certainement pas. Au contraire, cette présentation masque ce qui est au cœur du malaise algérien. En effet, force est de constater, que le mal dont souffre l’Algérie depuis des décennies est toujours vivace : la crise de confiance du peuple vis-à-vis du pouvoir et l’absence de forces progressistes susceptibles d’ouvrir une alternative démocratique.

Crise de confiance et dispersion des forces ? Voyons les chiffres.

Sur les 21 millions d’inscrits, 9,3 millions ont voté, soit 43% de participation pour une élection qualifiée d’historique. Le FLN, pourtant premier parti, recueille 1,3 million de voix soit 14% des votants et 6% des inscrits.
Par contre, les votes blancs et nuls sont au nombre de 1,7 million de voix soit 18% des votants ! Quant aux autres 28 partis qui ont présentés des candidats, ils se partagent 5 millions de voix, représentant entre 1 et 5% des votants ! Enfin, 1,3 million d’exprimés n’ont pu être répartis sur des candidatures autorisées.

Comme on le voit, ces chiffres éclairent une réalité politique marquée par le désarroi et le rejet de millions d’Algériens tant du pouvoir que de l’offre politique en général. Un peuple algérien qui se sent floué, exclu du partage des richesses dont une partie reste accaparée par les équipes au pouvoir et par l’armée. Un peuple algérien dont la jeunesse forme la majorité et qui reste privé de tout moyen réel d’agir pour ses droits sociaux et politiques, prisonnier du chômage, et dont l’avenir lui échappe. Si les années noires de la guerre civile restent dans toutes les mémoires, vouloir étouffer l’expression populaire pour la démocratie et la justice sociale ne conduit-il pas à alimenter une frustration encore plus lourde de conséquences pour l’avenir ?

L’argument récurrent du pouvoir de la menace islamiste et du terrorisme et l’image de chaos donnée du printemps arabe ne visent, pour de nombreux Algé - riens, qu’à justifier le refus de toute évolution démocratique. Le moment n’est-il pas, au contraire, de passer à autre chose et de sortir de cette période postcoloniale, 50 ans après l’indépendance, et d’écrire une nouvelle page d’histoire dont le peuple serait l’acteur ?

Les défis économiques, sociaux, politiques et régionaux que l’Algérie doit affronter, et qui nous concernent tous, exigent de sortir de cette crise qui empêche la société algérienne de déployer toutes ses capacités. Quels enseignements tirera le pouvoir algérien de ces élections ? Quel chemin choisira-t-il : celui du statu quo ou celui du changement démocratique et social ? Quelle sera enfin la réaction des Algériens eux mêmes… Les semaines qui viennent nous le diront.

Les taux de participation par wilaya.

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