mardi 19 juin 2012

CN du PCF : le rapport de Pierre Laurent.

Nous sommes réunis pour une session exceptionnelle du Conseil national, convoqué au lendemain même des élections législatives. Cette réunion, nous l’avions prévue au sortir de la longue séquence électorale qui a rythmé la vie politique du pays. Elle sera brève, comme vous le savez, et doit être efficace. Mon introduction sera donc centrée sur ce que nous avons à décider.

Pourquoi cette réunion ? Pour des raisons politiques et démocratiques. Nous devons sans tarder prendre la mesure de la nouvelle situation politique et des responsabilités qui sont les nôtres. Nous avons des décisions importantes et immédiates à prendre sur notre positionnement dans la nouvelle majorité, sur la participation gouvernementale et sur les nouvelles initiatives politiques que nous devons impulser. Nous voulons les prendre en consultant les communistes. C’est pour cela que nous entamons ce matin un processus qui se conclura mercredi après-midi par le vote de notre Conférence nationale le 20 juin à la Mutualité. Avant cela, les décisions du CN seront suivies d’assemblées générales et de votes dans toute la France.

Pourquoi ces premières décisions ne peuvent tarder ? Tout simplement parce que des questions politiques nous sont immédiatement posées. Un deuxième gouvernement Ayrault va être formé au cours de la semaine.Nous avons un choix à faire, maintenant qu’est connu l’ensemble du paysage politique. Nous avons contribué aux victoires de la gauche et nous sommes un parti qui a vocation à gouverner. Nous avions annoncé ce choix et il est attendu dans le pays. Nous devons nous en expliquer.

Au-delà de cette question, c’est notre positionnement dans la nouvelle majorité qui doit être tout de suite explicité. Les événements vont se précipiter : Sommet européen les 28 et 29 juin, discours de politique générale devant le Parlement les 3 et 4 juillet prochains puis session parlementaire tout juillet, conférence sociale à la mi-juillet, programmation budgétaire 2013-2016... sans parler du débat qui fait déjà rage dans le pays et que Le Monde résumait il y a quelques jours par ce titre « Et maintenant, quelle rigueur prépare la gauche ? » Nous ne pouvons pas rester spectateurs d’événements politiques qui vont s’accélérer. Nos prises de position doivent être lisibles, nos décisions d’action rapides.

Mon introduction est donc en quelque sorte un exposé des motifs des décisions que nous suggérons de soumettre aux communistes. Ces décisions seront résumées dans un court texte qui servira de bulletin de vote pour les communistes.

J’insiste sur l’objet de ces décisions. Nous n’allons pas en trois jours tirer le bilan détaillé de quasiment une année de campagne, ni trancher à la va-vite toutes les questions nouvelles qui se posent à nous. Notre conseil national ébauchera cette réflexion, mais son objet est vraiment de formuler des propositions de décisions immédiatement nécessaires pour permettre aux communistes de s’exprimer clairement.

Au delà, nos analyses devront s’approfondir, nos discussions se poursuivre. Nous avons besoin d’un important travail d’analyses sur les caractéristiques de la nouvelle situation politique ; les évolutions de la crise ; la nature des rapports de forces politiques issus du premier semestre 2012 ; les conséquences durables de la présidentialisation ; les leçons et les acquis de toutes les campagnes menées ; les enseignements et inflexions qu’il convient d’en tirer pour continuer à conduire vers de nouveaux progrès la démarche engagée avec le Front de gauche. Ce travail collectif nous mènera jusqu’au prochain congrès statutaire. Je vous propose que le Conseil national convoque d’ores et déjà ce congrès pour les 1er, 2, 3 février ou les 8, 9, 10 février 2013. Un nouveau Conseil national pourrait en fixer l’ordre du jour précis et en lancer le processus de préparation à la rentrée de septembre. J’en viens aux questions immédiates et je commence par soumettre quelques premières réflexions sur les conditions dans lesquelles nous allons désormais agir.

1- Au terme de deux batailles électorales que vient de vivre le pays, le choix des électrices et des électeurs est clair : tourner la page de la politique de Nicolas Sarkozy. Après dix ans de droite, et une présidence sarkozyste brutale et cynique au service exclusif des puissances d’argent, le peuple de France s’est libéré d’un pouvoir qui l’a méprisé et agressé pendant cinq ans. Avec l’élection de François Hollande à l’Élysée et d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale, c’est bien une nouvelle période politique qui commence. Celles et ceux qui ont voulu ces victoires ont repris espoir et souhaitent maintenant qu’elles répondent à leurs attentes, que leurs vies changent, que le pays se donne les moyens de sortir de la crise. C’est à partir de ces attentes que doit être pensée notre engagement à venir.
Et cela d’’autant que les campagnes mobilisatrices menées par le Front de gauche ont fortement contribué à ces victoires. Sans elles, la droite serait toujours aux manettes, et l’extrême-droite plus forte encore. Nous en sommes fiers. Il était indispensable de mettre un terme à un pouvoir qui, allié au MEDEF, s’en prenait systématiquement au monde du travail, à ses droits, aux libertés démocratiques. Il fallait casser le duo Sarkozy-Merkel pour tenter d’ouvrir une brèche dans les traités européens qui instaurent l’austérité à perpétuité. Il était urgent de relancer la possibilité d’un débat sur d’autres issues à la crise que les choix actuels ou les replis xénophobes qui nous y enfoncent inexorablement. Les points marqués sont donc essentiels. Mais, nous le savons, la bataille du changement recommence dès maintenant, sans attendre.

2- Cette bataille va continuer de se mener dans un climat d’urgence et d’instabilité politique. Les urgences sociales, mais aussi financières ou industrielles sont là. Loin de les résoudre, les recettes en cours les aggravent. Chômage, bas salaires, pauvreté, désindustrialisation, recul des services publics... La réussite est impossible si les politiques mises en œuvre se contentent d’aménager les trajectoires dominantes. D’autant que la crise s’exacerbe dans toute l’Europe, en Grèce, en Espagne, et la France sera confrontée à des arbitrages de fond dès la session parlementaire de juillet. Or, il n’y a aucune pause dans l’offensive de la finance qui s’en prend de plus en plus ouvertement à la souveraineté des États, et plaide désormais, sous couvert de fédéralisme, pour une gouvernance bancaire et monétaire définitivement soustraite aux Etats. Ce bras de fer va s’intensifier. Cette contradiction est manifeste dans le programme présidentiel de François Hollande. qui est pour l’ heure la seule feuille de route du gouvernement et de la majorité socialiste à l’Assemblée nationale. La sortie de crise impose d’affronter les logiques en vigueur, les contraintes imposées par les marchés, les logiques européennes actuelles, sous peine de passer à côté des attentes populaires et de créer de nouvelles désillusions qui ouvriraient la voie au retour d’une droite dure voire extrême. La volonté du PS de disposer de la majorité absolue pour se passer de la confrontation d’idées et de solutions à gauche, notamment avec le Front de gauche, n’est pas non plus un très bon signe.
Il faut ajouter que les forces de gauche devront en plus affronter des forces de droite et d’extrême-droite qui, malgré la défaite, restent mobilisées, rêvent de revanche, et vont rivaliser pour prendre la tête de l’opposition au gouvernement, contrer toute solution de progrès, défendre les privilèges accordés durant cinq ans aux forces de l’argent. La bataille de recomposition de la droite, qui est en cours sous l’impulsion du Front national et de secteurs de la droite ralliés aux thèses populistes et xénophobes, est un des dangers qui menace. C’est à rassembler, mobiliser, mettre en mouvement les forces susceptibles de faire bouger cette situation que nous voulons consacrer nos forces. Pour nous les rapports de force ne sont pas figés.

3- Si nous voyons les difficultés, nous voyons aussi les précieux atouts accumulés par les campagnes du Front de gauche. Elles ont permis la diffusion, l’appropriation, l’enrichissement des propositions du programme « L’humain d’abord » ; une dynamique citoyenne et populaire inédite, dont la marche pour la VIème République à la Bastille et les nombreux meetings tenus ont été les symboles, mais qui s’est manifesté sous de multiples formes sur tout le territoire national ; l’engagement dans cette démarche, le retour ou l’entrée en politique de très nombreux jeunes, de syndicalistes, de forces sociales, intellectuelles et culturelles diverses. Il faut aussi souligner l’enthousiasme avec lequel les communistes ont mené ces batailles, l’élan qu’elles ont suscité pour leur propre engagement, le renforcement du Parti communiste qu’elles ont permis avec plus de 6.000 adhésions nouvelles depuis septembre 2011.
A l’élection présidentielle, la percée du candidat commun du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, avec près de quatre millions de voix et 11% des exprimés, a été un événement. Ce résultat est apprécié comme tel par l’immense majorité des communistes, ainsi que tous les acquis de nos campagnes qui les conduit à considérer que c’est dans la poursuite et l’amplification de la démarche du Front de gauche qu’est l’avenir.

4. Aux élections législatives, avec 7% et 1,8 million de voix, le Front de gauche a confirmé une progression qui l’installe comme la seconde force politique à gauche, certes en deçà des espoirs suscités par notre campagne présidentielle. Ce résultat fait débat, surtout à cause de la perte de députés, et il est en effet paradoxal. En hausse de 2,34% et 550.000 voix sur 2007, avec des scores en progrès dans 90% des circonscriptions, il ouvre de nombreuses perspectives de développement. Mais avec plus de voix et de pourcentages, nous perdons des députés, même en réalisant dans les circonscriptions sortantes des scores de plus de 30%, en progrès dans quasiment tous les cas.
Cette situation appelle une réflexion approfondie. Plusieurs explications sont citées. Notre résultat législatif est à l’évidence minoré sous l’effet de la présidentialisation. Elle s’installe dans les consciences et structure le débat politique plus fortement encore à chaque échéance. Elle favorise l’abstention aux législatives, à commencer par notre électorat le plus jeune et le plus populaire, dénature la portée de ce scrutin, encourage le parti du président et le bipartisme.
La majorité législative de la gauche est ainsi déformée au profit du Parti socialiste par rapport à la réalité de la majorité politique de gauche dans le pays. Le PS totalise 65% des voix de la gauche à l’élection présidentielle, près de 70% avec ses alliés aux législatives et 90% des députés de gauche. Le Front de gauche totalise 25% des voix de gauche à la présidentielle, 15% aux législatives et 5% des députés de gauche.

Malgré cette injustice criante nous aurons un groupe à l’Assemblée nationale, confirmant notre place parmi les rares formations politiques qui en disposent dans les deux assemblées parlementaires. Avec notre influence dans le pays, et nos deux groupes, nous sommes une force incontournable à gauche !
D’autres explications sont avancées : avons-nous manqué de campagne nationale, et manqué de lisibilité dans notre positionnement national., laissant ainsi plus d’espace à la présidentialisation du vote en faveur du PS. Il faut pousser cette analyse sans tabou, sans non plus occulter les acquis indéniables de cette campagne.

C’est en tout cas avec la volonté d’évaluer à chaque étape la mise en œuvre de notre démarche de Front de gauche, pour corriger si nécessaire, qu’il faut continuer à travailler et à progresser. Voilà les quelques remarques. J ’en viens aux décisions qu’il nous faut prendre.

Je vous propose que le Conseil national en soumette trois aux communistes sur notre posture dans la nouvelle majorité de gauche et nos initiatives d’action, sur le gouvernement et sur l’avenir du Front de gauche. Vous savez sous les yeux le texte de ces propositions.

1. Je veux dire que le cœur de la première proposition est clairement celui d’une force d’action et de pression positive pour pousser le changement en avant. Oui, nous voulons tout faire pour que les victoires remportées par la gauche répondent aux espoirs qu’elles ont suscitées. Et parce que nous pensons qu’en l’état le projet de François Hollande n’est pas en mesure d’y parvenir, notre objectif est l’intervention populaire pour obtenir les inflexions majeures indispensables, les changements nécessaires le plus vite possible. Il ne peut être atteint qu’en étant résolument tournés vers la mobilisation et la construction citoyenne, en construisant les rassemblements politiques, les majorités d’idées et d’action nécessaires jusqu’à rendre incontournables l’adoption de ces mesures au Parlement et par le gouvernement.
Cet état d’esprit est celui qui fonde depuis le début notre conception du Front de gauche.
Il implique aujourd’hui la la mise en mouvement durable des forces que nous avons déjà rassemblées, mises en réseau avec les fronts de luttes, les fronts thématiques, les assemblées citoyennes, et bientôt les ateliers législatifs. Nous aurons à mener les campagnes nationales appropriées. C’est vrai de toutes nos batailles pour la réorientation européenne : nos parlementaires ne ratifieront aucun traité européen perpétuant les politiques d’austérité ; nous demandons la consultation du peuple français par referendum sur le texte des traités qui sortira du sommet européen des 28 et 29 juin ; nous proposons que la France prenne l’initiative d’Etats généraux de la refondation européenne en faisant appel à toutes les forces politiques et sociales disponibles en Europe pour penser des politiques alternatives de sortie de crise ; nous engageons nos forces, avec le Parti de la Gauche européenne, dans l’initiative citoyenne européenne demandant la création d’une banque publique européenne du développement social et écologique, ainsi que dans le processus de Sommet européen alternatif.
- pour la mobilisation des moyens financiers nécessaires aux politiques de développement social, industriel et écologique, par une réforme fiscale globale, la mobilisation des richesses détournées vers la financiarisation, la création d’un pôle public bancaire et financier, la bataille de la France pour refonder les statuts et les missions de la BCE. - pour l’augmentation des salaires, et une grande ambition de créations d’emploi, qui commence par l’interdiction des licenciements boursiers, de sécurité d’emploi et de formation
- pour la reconquête des services publics à commencer par l’ école, la santé, le logement, la culture
- pour la reconstruction de politiques publiques structurantes en matière d’ industrie, de recherche, de planification écologique, d’agriculture, de développement urbain
- pour de profondes réformes démocratiques allant vers une VIème République, en faveur des collectivités locales et de la démocratie locale, de l’égalité des droits pour les femmes, des droits et de l’autonomie de la jeunesse, du droit de vote des étrangers, des nouveaux droits des salariés dans les entreprises, d’une démocratisation des institutions et des modes de scrutin.

2. Sur le gouvernement, les choses sont claires pour nous. Nous avons vocation à prendre nos responsabilités pour mettre en œuvre des politiques de transformation sociale. Nous avons maintes réaffirmé que la prise en compte de nos propositions était évidemment un critère essentiel. Ces appels sont restés lettre morte, le Président répétant à de nombreuses reprises que la seule boussole gouvernementale serait son programme de premier tour.
Or non seulement, nous ne nous reconnaissons pas dans une conception présidentialiste du gouvernement mais de surcroît nous croyons indispensables à la réussite du changement des inflexions à ce projet. C’est pourquoi si nous estimons que les conditions de notre participation au gouvernement Ayrault ne sont pas aujourd’hui réunies, notre objectif est de modifier cette situation. Nous restons disponibles si ces conditions évoluaient. Nous voulons continuer à être utile à atteindre cet objectif ; et pour cette raison nous ne voulons pas renoncer à notre liberté d’ agir pour obtenir les inflexions majeures qui nous paraissent indispensables. Nous entendons être une force active et positive au Parlement.

3. Pour toutes ces raisons, nous estimons plus indispensable que jamais la poursuite et l’amplification d’une démarche de Front de gauche tournée toujours davantage vers la mobilisation citoyenne la plus large possible. Une dynamique prometteuse s’est enclenchée. Cela suppose de tenir compte dans la mise en œuvre de cette démarche de tous les enseignements que nous tirerons des campagnes menées, de leurs acquis et des limites encore rencontrées. Cela suppose également que la capacité d’initiatives du Parti communiste continue à se déployer pleinement au service de cette démarche et de notre propre travail de renforcement et d’élaboration collective. Tout ce travail est devant nous. Sans attendre, nous proposons :
- d’organiser, avec nos partenaires, les 25 et 26 août à Grenoble un grand rendez-vous d’été du Front de gauche, ouvert à toutes celles et ceux qui se sont investis dans la démarche de ces derniers mois .
- de tenir l’université d’été du PCF les 31 août, 1er et 2 septembre aux Karellis en invitant tout particulièrement les jeunes qui nous ont rejoint, les élus et les animateurs du parti à y participer.
- de travailler à associer dans la durée toutes celles et ceux qui, non membres d’un des partis du Front de gauche, souhaitent en être des militants à part entière. Le Front de gauche s’affirme comme une construction originale, associant des partis et des militants non encartés. Les assemblées citoyennes, les réseaux de travail thématiques, les fronts de lutte sont déjà des espaces pertinents à développer.
- de faire de la Fête de l’Humanité des 14,15,16 septembre une grande fête pour l’avenir du journal, qui a joué ces derniers mois une fois de plus un rôle crucial, et qui fait face à de nouveaux défis avec son déménagement imposé et les lourds dangers qui pèsent sur le pluralisme. D’en faire une grande fête de la jeunesse, de la mobilisation citoyenne, du débat à gauche, avec les communistes et le Front de gauche . La diffusion du bon de soutien est maintenant la priorité de notre activité militante pour tout l’été. Le premier rendez-vous national aura lieu le 27 juin prochain.

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