Ecologie et industrie : une association qui peut paraître contre-nature tant on a opposé ces deux termes.
À un tel point que la confusion règne à gauche où la critique
légitime du productivisme est devenue par glissement la critique de la
production sans nuance.
L’industrie nous pose des problèmes de conscience : elle est à la
fois absolument nécessaire pour nos sociétés et en même temps elle
pollue, produit des déchets, présente des risques autour des sites de
production. La tentation est alors grande de réduire ce secteur voire
d'accepter tacitement la délocalisation vers d'autres pays pour ne pas
avoir à s'embarrasser de ses nuisances. Elle s'accompagne également
d'une dévalorisation des métiers liés à la production. Et il est vrai
que quantitativement, l'essentiel des emplois aujourd'hui est classé
dans le secteur des services, services pour- tant intimement liés à la
production. Ainsi, on ne perçoit pas immédiatement la catastrophe
économique pour un pays qui se sépare progressivement de ses industries :
par exemple l'irréversibilité concernant la perte de savoir faire sera
très grave pour l'avenir car il faudra des générations pour retrouver le
niveau technologique perdu dans certains secteurs clés.
Nous aurons donc toujours besoin de produire, et même de produire
plus et autrement compte tenu des besoins qui vont grandissants et de
l'état de pénurie qui règne chez les classes populaires. La vraie
question politique vraiment sérieuse, est bien de savoir comment mieux
produire et comment produire pour répondre aux besoins sociaux au sens
très large, en intégrant le respect de notre environnement. C'est en
renversant les critères, en privilégiant la valeur d'usage des produits
plutôt que la valeur d'échange (pour utiliser des termes marxistes) que
nous opérerons une transformation radicale de nos modes de production.
Cela suppose bien sûr de sortir de la logique actuelle du système
capitaliste avec ses fausses « bonnes solutions » : taxe carbone, marché
des droits à polluer, tarification progressive. Ces solutions sont
issues de l’idéologie libérale, autour notamment du concept de «
signal-prix », qui focalise avant tout sur la réduction de la
consommation des ménages, par le biais d'une hausse des prix, injuste
socialement mais qui a le mérite d'être conforme à la doxa libérale, et
permet d'éviter les vraies questions politiques. Les vrais sujets qui
fâchent à savoir les rapports de pouvoirs dans l'entre- prise : qui
décide de ce que l'on va produire et de quelle manière ?
Et qui décide de ce qu'on doit financer ou ne pas financer ? Cela
donne toute la pertinence à nos propositions économiques, sur une
reprise en main politique des critères et outils de financement
aujourd'hui soumis à l'arbitrage du marché.
Le dossier ici présenté développe des idées phares comme l'économie
circulaire, la chimie verte, examine des secteurs clés comme le
transport, l'habitat, la sidérurgie, afin de dégager des pistes pour une
planification écologique réussie, avec des projets industriels
concrets. Il y a en effet urgence à sortir de l'« écologie de salon »,
coupée des réalités et qui fait l'impasse sur les ordres de grandeur,
l'état et les limites des technologies, niant complètement l'étendue des
besoins.
Nous donnons la parole à des femmes et des hommes avec des métiers et
secteurs divers ; ouvriers, ingénieurs, techniciens, chercheurs,
scientifiques, travaillant dans les secteurs tant publics que privé.
Disons le clairement : ces dernières années, nous avons perdu l'habitude
d'écouter les travailleurs de la science. Leur parole est même
dévalorisée et disqualifiée sous prétexte qu'ils ont déve- loppé une
expertise dans un domaine précis à travers leur vie professionnelle :
ils seraient alors devenus les défenseurs d'un groupe de pression (lobby
en anglais) ou d'une corporation ! On assiste à un renversement des
valeurs : moins on en sait dans un domaine, plus on est censé être
objectif, « honnête » et « indépendant ». On imagine mal pareille
attitude vis-à-vis des enseignants intervenant dans un débat concernant
l'école par exemple : au contraire, dans ce cas précis, ces
professionnels de l'éducation seront écoutés et leurs paroles
respectées, à juste titre. Pareille attitude est de mise sur les grands
sujets où l’expertise scientifique est nécessaire à la décision
politique, comme l’environnement, l'énergie, l'agriculture. Il nous faut
réapprendre à écouter tous ces salariés et tenir compte de ce qu'ils
ont à nous dire : ils ont beaucoup à nous apprendre sur la complexité
des problèmes posés. Notre engagement pour une planification écologique
démocratiquement élaborée, en lien avec nos propositions de donner de
nouveaux pouvoirs aux salariés dans les entreprises, passe
obligatoirement par cette voie. Alors, sans attendre, écoutons-les, et
vous le verrez à travers ce dossier et dans les autres rubriques : ils
ne manquent pas d'idées ! Bonne lecture et bienvenue dans ce premier
dossier traité par Progressistes.
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