mardi 25 octobre 2011

Robert Charvin était à Montpellier pour une conférence sur le thème "la volonté d'impuissance de l'ONU" : compte rendu de cette conférence par le Mouvement de la Paix.

Dessin de Placide
Robert Charvin est très critique envers l'ONU qui d'après lui est à l'agonie. Comme la SDN, avant la dernière guerre, cette organisation internationale meurt de n'avoir pas su assumer sa mission de faire respecter le droit et la paix entre les peuples.

En 1945, l'objectif de l'ONU était d'éviter une guerre entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique. Le Droit de Veto a été établi afin qu'aucun état ne puisse utiliser l'ONU à son seul profit. En 1945/48, René Cassin –avec qui R. Charvin a travaillé- avait pensé que le principe des "Droits de l'Homme" concernait les peuples colonisés au même titre que les autres, c'est-à-dire les pays occidentaux. Ces derniers ont la haute main sur le Conseil de Sécurité qui est en fait une oligarchie de grandes puissances, au sens politique du terme, car si l'on prend par exemple la Chine, ou l'Inde ce sont des géants économiques, mais des nains politiques.

Dans son chapitre VII, la Charte des Nations-unies déclare que, dans un pays où les atteintes aux "Droits de l'Homme" menacent la paix internationale, s'il n'y a pas de veto, le Conseil de Sécurité peut décider d'une intervention,. Il est clair que des troubles dans un pays du Tiers Monde ne menacent en aucun cas la paix internationale, mais cela permet aux grandes puissances d'intervenir. * C'est ce qui s'est passé aussi bien pour la Côte d'Ivoire que pour la Libye. On n'imagine pas une minute que l'Inde ou la Chine interviennent lors d'évènements tels que ceux qui ont eu lieu en France en 1961 ou bien en faveur des Basques privés d'un état indépendant par le gouvernement espagnol.

Le Conseil de Sécurité est un instrument de guerre au service de ce que les journalistes et les médias appellent "la communauté internationale", c'est-à-dire l'Europe et les Etats-Unis auxquels les Secrétaires généraux ne se sont jamais opposés. Ban-Ki-moon, par exemple, ancien ministre Sud Coréen, n'a rien à refuser aux Etats-Unis. L'Assemblée générale des Nations Unies n'est pas mise en avant. La Cour internationale de justice quant à elle, ne donne que des avis, qui n'obligent personne à les suivre, ce qui conduit à une complète inertie. En outre les états ne sont pas tenus de répondre à ses convocations. Voir le mur israélien, construit en territoire palestinien, condamné par la CIJ , mais qui est toujours là.

Pour justifier leurs interventions militaires, les grands pays se sont toujours drapés dans les nobles idéaux de l'universalisme. Cela était déjà le cas sous François 1er au 16ème siècle et avant pendant l'empire romain, plus tard sous Napoléon 1er. Cela était vrai aussi lors de l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie. Il n'était pas question de laisser ce pays échapper à sa zone d'influence. Cela montre, que quel que soit son système, un état n'est jamais philanthropique. Il fonctionne toujours en faveur de l'intérêt national (vrai ou supposé).

En Côte d'Ivoire, il y a 63 ethnies et 3 religions, les élections seront donc toujours déterminées par un vote ethnique. Pour chaque pays, une démocratie est à inventer. Il n'y a pas de recette universelle et nous sommes obligés d'admettre que, malgré notre amour du suffrage universel, celui-ci ne peut se plaquer tel quel partout dans le monde.

La Côte d'Ivoire est un pays coupé en deux, le Nord musulman et le Sud chrétien. En 2002, lors des troubles armés dans le nord, la France a demandé à l'armée autochtone de ne pas intervenir. Sous couvert de neutralité, l'ONU a joué un rôle pitoyable. qui a permis aux troupes ex-rebelles d'agir en toute impunité. Occupations des Universités, pillages déguisés en actions de justice.

A. Ouattara, ancien sous-directeur du FMI, l'ami des Occidentaux qui ont soutenu ses partisans militairement et politiquement a été déclaré vainqueur des élections 2010/2011. Pendant deux mois, nous avons subi la pression constante des média. Ensuite, plus rien. Le Président Gbagbo commençait à se tourner vers la Chine et le Brésil alors que son pays est l'objet de toutes les convoitises pour le café et le cacao. D'autre part, Shell et Total sont très intéressés par le pétrole du Golfe de Guinée et les Français ont sous-traité pour les États-Unis.
Gbagbo, membre de l'Internationale socialiste, lâché par ses amis européens, n'a pas subi le sort de Kadhafi , mais se trouve en résidence surveillée dans le nord du pays.

En Libye, il y a 42 ans, le colonel Kadhafi, a tenté de trouver un équilibre en faisant, dans une certaine mesure, profiter la population des bénéfices pétroliers. Pour cela, il a chassé les Occidentaux des bases libyennes et nationalisé le pétrole. A partir de là , la Libye est devenu le pays africain au niveau de vie moyen le plus élevé. Un effort particulier a été fait au niveau de l'éducation et de la santé. De nombreuses femmes ont pu rejoindre l'Université, ce qui était plutôt rare dans les pays musulmans. Il s'est rapproché de la Turquie. Cette politique l'a désigné comme le pire ennemi de l'Occident et, en premier lieu, des Etats-Unis.

Sur le plan religieux, il avait une façon particulière de voir les choses qui en faisait une sorte de protestant musulman. Il avait à ce titre, publié un livre vert qui expliquait sa thèse. Paradoxalement, cela ne lui a pas valu l'indulgence des États-uniens qui, malgré leurs proclamations se moquent bien qu'un pays soit ou non musulman pourvu qu'ils puissent exploiter ses richesses en toute tranquillité.
Kadhafi a ensuite passé des compromis avec les puissances occidentales. Il a passé un accord sonnant et trébuchant avec l'Italie pour empêcher l'émigration noire vers Lampedusa. Le plus spectaculaire a été sa réception avec tous les honneurs par Sarkozy et l'installation de ses tentes et celles de sa suite sur les Champs-Élysées, à Paris il y a quatre ans.
Une des erreurs majeures du colonel a été l'entente avec les Etats-Unis concernant les Services du renseignement. A partir de là, il s'est trouvé à la merci de ses ennemis les plus acharnés. *

Robert Charvin note qu'il y a de grandes différences entre les pays où les gens se sont révoltés. En Egypte, l'armée est au pouvoir; en Tunisie, 45% de chômage, en Libye , pas de chômage , mais présence d'hommes armés dans les premières manifestations de Benghazi. Il n'y a aucune réflexion de la part des journalistes des grands média. Le mensonge d'État est systématique et aucun spécialiste n'est invité sur les ondes radio télé. Ainsi, après les résolutions 1970 et 1973 qui ont autorisé la neutralisation de l'espace aérien libyen et ensuite, des actions de "protection civile", les bombardements ont fait de nombreuses victimes. Au mois de mai, en Libye, 850 personnes ont été tuées car toutes sortes de bâtiments baptisés indistinctement, "Centres de commandement", divers sièges, tel celui des handicapés ou des résidences privées ont été détruits.

Pour conclure, Robert Charvin pense que les gouvernants des pays occidentaux ne voient pas le monde tel qu'il est et sont restés sur une vision coloniale des pays d'Afrique et des autres pays ex-colonisés qu'ils considèrent comme mineurs. Ils ne se rendent pas compte que leur manière d'agir conduit un grand nombre d'habitants de la planète à détester les blancs, aussi bien ceux qui sont les ennemis que ceux qui sont les amis de leurs dirigeants.

- Sur la Côte d'Ivoire on peut consulter le récent livre de Robert Charvin:
Côte d’Ivoire 2011. La bataille de la seconde indépendance. Éditions L’Harmattan, 2011. 165 pages, 16 euros


- Charte des Nations-unies Chapitre VII Article 39
Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.


- Extrait de la réaction de Christian Graeff, ancien ambassadeur de France en Libye :
France culture : Après une guerre de huit mois, comment qualifiez-vous le rôle des Occidentaux dans la chute du régime Kadhafi ?Christian Graeff : Mon interrogation ce soir est courte. Quand l’OTAN a-t-elle déjà tué un chef d’État ? Voilà. C’est ma question. Je fouille dans ma mémoire. Je ne trouve pas la réponse. Pour moi, il y a un assassinat politique. Il y a des responsabilités internationales en cause.

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